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possible d’accrocher une rivalité, une méfiance, un mécontentement.

Thierray lui-même, qui, tout en le proclamant honorable, avait, sans dessein arrêté, parlé légèrement de sa femme, recommençait à le respecter involontairement, surtout en se rappelant les quarante ans de la belle Olympe.

Au moment où ces trois personnes descendaient de la voiture, trois autres, montées sur de beaux chevaux couverts de sueur, de pluie et d’écume, entraient dans la cour et sautaient légèrement à terre.

La première en tête était une grande fille blonde dont les traits animés et un peu gonflés par l’air et le mouvement d’une course rapide avaient déjà perdu la première fleur de l’adolescence. Elle ressemblait à M. Dutertre, c’est dire qu’elle était parfaitement belle. Sa taille était d’une grande élégance dans sa ténuité un peu diaphane. L’air ferme de son visage et la certitude de ses mouvements souples annonçaient pourtant une grande vigueur physique ou une grande résolution dans le caractère. La seconde personne était un jeune homme pâle, aux cheveux bruns, à l’œil doux, mélancolique et fin. Il était impossible de voir une plus charmante figure, un extérieur plus simple et plus gracieux, un sourire plus attachant, malgré et peut-être à cause d’une expression de tristesse pour ainsi dire chronique.

Le troisième cavalier était un groom robuste et trapu de la meilleure espèce, qui emmena les chevaux haletants à l’écurie.

— Ah ! s’écria M. Dutertre en redescendant les deux marches du perron qu’il avait déjà montées, et en courant vers la belle amazone qui s’élançait vers lui, c’est mon Éveline ! ma seconde fille ! dit-il en regardant ses deux hôtes avec un mouvement d’orgueil involontaire.