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avec le plus grand soin, prit involontairement la main de Thierray, qui regardait Olympe avec une étrange anxiété. Thierray se pencha vers sa fiancée et lui dit tout bas :

— Ceci me fait plus de mal que de bien. Je vous dirai pourquoi, et puissé-je me tromper !

Thierray, qui était excessivement nerveux et dont l’organisation exquise et un peu souffrante recevait toutes les impressions plus rapides que chez la plupart des hommes, quitta le salon et alla trouver Blondeau.

— Madame Dutertre est fort malade, lui dit-il, j’en suis sûr : je ne suis pas médecin, je ne sais rien ; mais, quand elle parle, j’ai froid ; quand elle rit, j’ai peur ; quand elle chante, j’étouffe. Sachez si je rêve.

— Madame Dutertre a une mauvaise pierre dans son sac, dit Blondeau avec une brutalité chagrine. Le diable s’en mêle. Elle va de mal en pis, et personne ne s’en doute. Je n’ose pas me prononcer, j’ai peur de tuer tout le monde ; je ne m’endors pas, je fais tout ce que je dois faire, mais je crains bien d’en être pour mes peines.

La tristesse de Blondeau en disait encore plus que ses paroles. Thierray, oppressé sous ce fatal secret, lui demandait chaque jour s’il était temps d’éclairer Dutertre.

— Pas encore ! disait Blondeau. On ne porte ces coups-là que quand on n’a plus du tout d’espérance.

Qui eût pu deviner, à moins d’une sorte de divination réelle, les progrès de la maladie d’Olympe ? Sa beauté avait pris un caractère de santé trompeuse. Un peu de bouffissure simulait l’embonpoint sur ses joues ; parfois une légère coloration lui donnait un éclat qu’elle n’avait jamais eu. Elle ne se plaignait jamais, elle cachait avec un soin extrême l’étouffement subit et les palpitations violentes qu’elle éprouvait, attribuant ces malaises terribles à des ressentiments passagers de la maladie nerveuse