Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/367

Cette page n’a pas encore été corrigée

couvrant ses bras de baisers, pardonne-moi, je ne comprenais pas ! Je croyais ma fille perdue, j’étais fou ! Oui, oui, j’ai eu un véritable accès de folie, je t’ai effrayée, je n’en avais pas conscience. Mais j’ai vu Thierray : ma fille est pure, il l’aime, il l’épouse, et toi, je viens te remercier à genoux de me l’avoir ramenée au bercail, sur tes épaules, ma pauvre brebis errante ; de me l’avoir sauvée, consolée, bénie dans sa douleur, et relevée de sa confusion. Et que m’importe ce que dira de toi le monde ? Sais-tu ce que je répondrais ? « Ma femme a été là parce qu’elle a cru devoir y aller : je n’ai pas d’autre raison à en donner, et je ne lui en demanderai jamais d’autre. Il est des êtres trois fois saints qui ont le droit d’aller partout, fût-ce dans des repaires de vice, parce qu’ils n’y vont que pour faire le bien, et qu’aucune souillure ne peut les atteindre. » Cela vaut mieux, vois-tu, que de chercher des motifs. Nous n’en trouverions pas un qui fût à la hauteur de ton dévouement, et la meilleure défense d’une femme, c’est le respect de son mari.

En parlant ainsi avec effusion, Dutertre s’accusait lui-même à dessein devant Dieu, et la réparation qu’il ne pouvait offrir à sa femme, il la présentait au ciel comme une expiation de sa faute.

Martel arriva au jour ; il avait, sur un billet très-confidentiel de son confrère Blondeau, erré toute la nuit dans sa carriole pour empêcher un duel, ou tout au moins pour être à portée de soigner et de ramener les blessés. Il était fatigué et contrarié de cette mauvaise nuit, d’autant plus qu’il ne pouvait s’en prendre qu’à Blondeau, qui, voyant tous ses malades tranquilles et tous ses morts bien vivants, avait été prendre quelques heures de repos. Martel fut mandé par Dutertre auprès d’Olympe, qui lui paraissait avoir la fièvre. Martel, bourru et appesanti, lui en trouva