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la douairière. Mais, chemin faisant, on changea d’avis.

— Nous sommes bien sots, dit Thierray. La patache de la chanoinesse est connue au château, les yeux y sont faits, et, pour tout le monde, il est bien évident que nous n’avons pu venir de Paris en tilbury ni à cheval. Il y aura bien plus de honte à laisser deviner notre honte qu’à l’abjurer résolument. Si tu m’en crois, nous ferons notre entrée triomphale au trot de ce respectable cheval blanc, dans la cour d’honneur du château. Cette vieille relique du manoir de ta tante sera une allusion aux charmes surannés de madame Dutertre.

— Accordé, répondit Flavien, d’autant mieux qu’il pleut à verse.

Mais ils n’eurent pas besoin de ce déploiement de courage philosophique. À une demi-lieue du château, ils furent joints par une calèche de poste qui les héla et s’arrêta devant eux après les avoir dépassés. M. Dutertre en sortit à demi en leur criant :

— Venez, messieurs, venez. J’ai reconnu Gervais, et je vois que vous me tenez parole en me devançant sur la route. Je suis pressé d’embrasser ma chère famille, et pourtant je vous tiens et ne veux pas me séparer de vous. Ces chevaux de poste vont plus vite que le brave César, un bon animal pourtant, qui a encore de l’ardeur à vingt-trois ans. Vous voyez, je le connais, et il n’y a pas moyen de passer incognito sur mon chemin. Venez, venez vite dans ma voiture : Gervais suivra, et j’aurai le double plaisir d’être avec vous et d’arriver promptement.

— Cela est de fort mauvais goût, dit Flavien bas à Thierray, d’arriver pour être le témoin inopportun des embrassades de la famille.

— Au contraire, répondit Thierray, cette indiscrétion est, selon moi, de fort bon goût. Dépêchons, le jour va