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— Ah ! toujours Nathalie ! s’écria involontairement Dutertre, et, frappé subitement de l’idée qu’elle avait dû calomnier Olympe jusque dans ses dernières assertions sur les événements de la matinée, il lut avidement ce qui suit, à la seule clarté de la lune, qui étincelait dans la pureté d’un ciel lumineux et froid :

« Tout ce que je peux vous répondre bien vite et bien franchement, monsieur, c’est que je n’y comprends rien, et que je n’ai jamais eu la bizarre pensée de ces fleurs. Si vous partez pour vous soustraire à la mauvaise tentation de m’en attribuer le mérite, vous faites bien et je vous en sais gré. Je ne m’en occuperais pourtant pas au point de m’en défendre, si vous ne me disiez que vous regarderez mon silence comme un aveu et que vous le bénirez peut-être. Ne me bénissez pas, monsieur ; je vous estime, mais je ne vous aime pas du tout. Si, par mes préoccupations, étranges, selon vous, j’ai causé votre illusion à cet égard, je vous demande mille fois pardon d’être d’un caractère distrait, et même je vous dois d’en expliquer toute l’étrangeté. Je suis sujette à des malaises nerveux que mon médecin me fait combattre par des calmants. Durant les jours que vous avez passés dans ma famille, il m’est arrivé plusieurs fois de prendre un peu d’opium, plus peut-être que la dose ordinaire. Cela me plongeait dans une sorte d’assoupissement moral qui m’empêchait parfois de voir et d’entendre. Vous me dites que j’ai dû comprendre votre langage de ces jours-là. Eh bien, monsieur, je vous jure sur l’honneur de votre mère, que vous invoquez précisément pour me parler du vôtre, que je n’en ai pas compris un mot, et que, sans votre lettre de ce matin, je ne me doutais pas de cette passion subite dont vous voulez, je crois, me rendre un peu