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— Mais, cependant, il faudrait vous assurer, dit Flavien, que vos pieds ne sont pas blessés.

— Non, non, dit Éveline, je ne suis qu’engourdie, fatiguée ; laissez-moi ne pas bouger pendant un instant, et puis je reprendrai ma route, car il est tard, cette fois, et il faut que je sois rentrée avant le jour.

— Rentrée ? dit Thierray. Ah ! Éveline, quand votre fantaisie vous emporte, vous savez bien où vous allez mais vous vous inquiétez fort peu du retour. Vous êtes donc venue à pied, que ces vilaines chaussures sont mouillées ?

— Oui, à pied, et toute seule, dit Éveline en ôtant ses pistolets, qu’elle posa sur le guéridon à côté d’elle. Cette fois, vous ne direz pas que mes confidents me trahiront ?

— Seule, la nuit ! s’écria Thierray. Oh ! folle ! trois fois folle !…

— Vous voyez comme il me sait gré de ce qu’aucune autre femme ne serait capable de faire pour lui ! dit Éveline à Flavien, par qui elle se sentait soutenue intérieurement.

Et elle raconta comment elle était venue, avec la modestie d’un vrai courage.

— Ma foi, c’est superbe ! dit Flavien émerveillé. Vous êtes une Jeanne Hachette, une héroïne des anciens jours. Tenez ! dix femmes comme vous eussent sauvé la royauté en Vendée ! Dix femmes intrépides et enthousiastes valent des milliers d’hommes, parce qu’avec elles les hommes ne se découragent jamais et veulent devenir des héros sous leurs yeux. Allons, Thierray, c’est insensé, mais c’est sublime ! À genoux devant ta fiancée ! Demain, les paroles seront échangées avec la famille, je m’en charge. Donnez-moi d’abord les vôtres, mes enfants, et je me fais l’ambassadeur des deux parties. Tenez, je me sens tout