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tendresse insinuante. Éveline n’était pas disposée à céder ce jour-là ; il y allait pour elle de son projet mystérieux : elle résista.

— Mon père ne le saura pas, répondit-elle en s’élançant sur sa belle jument anglaise, qui piaffait déjà d’impatience d’emporter son léger fardeau à travers champs.

— Pardonnez-moi, chère enfant ; il le saura, répondit Olympe.

— Certainement ! dit Nathalie, qui, d’une fenêtre donnant sur la cour, assistait à cette scène comme par hasard ; c’est la première chose que lui dira madame.

Crésus et un autre domestique étaient là, car il y a toujours dans les luttes de famille quelques-uns de ces muets témoins qui en exagèrent ou n’en comprennent pas la gravité. Olympe avait été tentée de leur défendre d’accompagner Éveline, dont l’honneur lui avait été confié et dont la réputation devait, selon elle, lui faire braver la colère même de cette folle enfant ; mais la parole glacée de Nathalie tomba sur son cœur et l’énerva. Elle pâlit, et, tendant la main à Éveline :

— Allez donc, ma chère enfant, lui dit-elle, si vous ratifiez l’insulte que l’on vient de me faire !

En voyant une larme brûlante dans les yeux d’Olympe, Éveline eut un remords : elle sauta légèrement de son cheval et, allant à elle, elle l’embrassa.

— Non, chère mère, lui dit-elle, je sais bien que vous ne le direz pas, vous !

Et, levant la tête vers la fenêtre où Nathalie s’était placée en observation :

— Si quelqu’un le dit, ajouta-t-elle, ce sera Nathalie. Allons, rentrez, chère petite maman, et ne songez plus à cela, j’y renonce.