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— C’est une Italienne ?

— De pure race et sans accent.

— Je connais le nom de son père, un peintre, n’est-ce pas ?

— Non, un compositeur, un maestro.

— Il est mort, je crois ?

— Depuis longtemps,

— Et la dame était artiste ? C’est un mariage d’amour qu’a prétendu faire le Dutertre ?

— J’ignore si Dutertre a voulu faire un mariage d’amour ou de convenance. Ce qu’il y a de certain, à mes yeux, c’est qu’elle n’a jamais eu d’amour pour son mari.

— Depuis qu’elle en a pour toi ?

— Pour moi ? Si elle en avait, crois-tu donc que je serais en route pour la rejoindre ?

— Tu ne l’aurais pas quittée !

— Ou je l’aurais quittée déjà ! le problème serait résolu…

— Ah ! c’est ainsi que tu aimes la vertu pour elle-même ? Bien, bien, je te retrouve ! amour de tête, attrait de curiosité, profond dégoût des choses réelles : tu vois que je te connais !

Thierray sourit. Flavien se trompait sur son compte. Il était un peu blasé, mais non corrompu, et il posait souvent le scepticisme devant certains hommes, dans la crainte de leur paraître ridicule en s’avouant naïf.

— Parlons de Dutertre, reprit Flavien ; il va être mon acquéreur, notre débiteur à tous deux, puisque tu prétends à sa femme, et moi à son argent. Quel homme est-ce ? Un député honorable ? Ils sont tous honorables… Un riche propriétaire, plusieurs millions… Ancien industriel, aujourd’hui adonné à l’agriculture ; membre du conseil général de son endroit, maire de sa commune et