Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/276

Cette page n’a pas encore été corrigée

fondant en larmes. Son cœur se brisait, mais il restait si fidèle, si sincère envers son juge et son rival ; il baisait avec tant d’effusion la main du sacrificateur, que Dutertre oublia entièrement l’espèce de rage qui l’avait transporté un instant auparavant, pour le serrer dans ses bras et ne plus voir en lui que le meilleur des fils et le plus pur des êtres.

Il le suivit dans le pavillon carré, s’occupa de le munir d’argent, de lettres et d’effets, avec une délicate sollicitude, et prépara avec lui le prétexte d’affaires qu’il donnerait à ce brusque départ, sans éveiller l’attention de personne.

Pendant ce temps, on préparait la voiture qui devait emmener le jeune homme. Dutertre lui prit le bras pour l’y conduire lui-même. En repassant devant la porte de la tourelle où, tant de fois, Amédée avait veillé de loin et en secret sur le sommeil fébrile d’Olympe, Dutertre sentit un alourdissement du bras appuyé sur le sien, comme si la mort glaçait subitement les membres de ce malheureux enfant ; mais cette violente émotion fut rapidement vaincue. Amédée sourit de son mal en silence, et tout aussitôt, plein de vaillance et de sublime enjouement, il doubla le pas, en recommandant à son oncle ses fleurs et ses animaux favoris. Quand la voiture qui emportait le dernier sourire adressé à son ami eut disparu derrière les murs du château, il retomba comme anéanti sur lui-même, et, pendant quelques heures, il fut réellement suspendu entre la vie et la mort, ne pensant plus, ne comprenant pas, ne se souvenant de rien, et croyant qu’il n’aurait pas la peine d’aller jusqu’au bout de son voyage.

Dutertre, resté seul, sentit une sorte de soulagement momentané, comme après l’accomplissement d’un de-