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toi, sans doute, tu embrassais et respirais ces fleurs.

— Ces fleurs qu’elle n’avait pas même touchées ! reprit Amédée. Et quelle plus grande preuve voulez-vous donc de mon respect ? Tenez, voilà son mantelet ; je l’avais bien vu, et j’ai résisté à la tentation d’y porter seulement la main.

— Amédée ! Amédée ! il y a dans la plus chaste flamme, dans la passion la mieux cachée et la plus contenue, quelque chose de terrestre qui ôte la raison aux êtres doués de la plus puissante volonté. C’est un dangereux martyre que celui auquel je te condamnais !

— Dangereux ! pour qui ? s’écria Amédée en tombant aux genoux de Dutertre. Vous n’oseriez pas dire, mon père, que ce fût pour vous ou pour elle ! Oh ! ne le dites pas ! ne m’ôtez pas le principe de ma force, votre estime et celle de moi-même !

— Dangereux pour toi, oui, pour toi seul, j’en suis persuadé, dit Dutertre en lui prenant les mains, pour toi, mon enfant, dont la raison ou la vie succomberont aux secrètes tortures d’un amour ainsi combattu en toi.

— Vous ne le croyez pas, répondit Amédée, rouge d’un noble orgueil ; vous ne me croyez pas si faible que de combattre sans vaincre, quand je n’ai affaire qu’à moi-même.

— Tu guériras sans doute ; mais tu es dans le paroxysme de la fièvre, et il ne faut pas en affronter la cause à toute heure.

— Au contraire, dit Amédée avec résolution, il le faut ! il le faut absolument, si c’est pour moi seul que vous craignez. Et c’est pour moi seul, dites, mon oncle, c’est bien pour moi seul ? Si vous aviez une autre pensée, je n’attendrais pas mon ordre d’exil, je sortirais de votre maison à l’instant même, et pour toujours !