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plaint ? S’en doute-t-elle ? Quelqu’un a-t-il pu jamais le lire dans mes yeux ?

— Oui, quelqu’un l’a remarqué et deviné ; quelqu’un l’a dit et écrit.

— Si ce quelqu’un-là n’est pas une femme, nommez-le-moi, et il faudra que l’un de nous…

— Vous ne le saurez jamais. Je ne vous accorde pas le droit de vous battre pour ma femme.

— Pour elle ? Non, certes ! personne ne l’aura jamais, pas même vous, mon oncle. On peut se battre pour soi-même, quand on est accusé d’avoir insulté une telle femme, même par la pensée. On ne peut jamais se battre pour prouver qu’elle ne le mérite pas. Ce serait lui faire outrage que d’accepter la possibilité d’un pareil doute.

— C’est de l’idolâtrie que tu as pour elle, malheureux !

— Eh bien, oui, que vous importe ? N’ai-je pas le droit d’adorer, dans le mystère de mon âme, la même divinité que vous ? Vous êtes le prêtre, et je vous vénère d’autant plus que vous êtes seul digne de l’être. Mais moi, croyant et fervent, moi qui baise les reliques à la porte du temple, sans avoir jamais permis à mon imagination d’en franchir le seuil, en quoi suis-je sacrilège envers elle ou envers vous ?

— Amédée, répondit Dutertre, je connais ta force morale, ta religion, ta candeur ; mais tu blasphèmes, sans le savoir, en assimilant le culte de la créature à celui du Créateur. Il se mêle toujours à ces extases de l’âme je ne sais quelles extases des sens dont la pensée m’irrite et dont le spectacle m’a ôté la raison un instant. J’aurais dû, tu dis vrai, ne pas violer le sanctuaire de ta conscience, ne pas surprendre et dérober le secret de tes rêves. Le mal est fait, je l’ai commis malgré moi, comme, malgré