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saient la confiance des libertins et même celle des hommes légers. On le respectait sans s’en rendre compte et sans que lui-même s’en aperçût. Ce n’était donc pas le moyen pour lui de connaître les véritables mœurs, les instincts, les théories ou les entraînements de son entourage.

Cet entourage était aussi choisi que possible. On eût pu en juger par Flavien, qui, certes, n’était pas un roué sans principes et sans loyauté ; par Thierray, qui, moins candide à l’égard de lui-même, n’en était pas moins incapable d’un égoïsme cruel ou scandaleux ; par Amédée, qui était aussi religieux en amour que Dutertre lui-même ; et pourtant ces trois hommes avaient été ou étaient amoureux de madame Dutertre.

Voilà ce que Dutertre commençait à voir, sinon à comprendre, et ce qui causait le tumulte de ses pensées. Il s’efforçait d’oublier la fatale lettre de Flavien, et pourtant il regrettait de l’avoir brûlée. Il se disait qu’il l’avait mal comprise ; que, s’il pouvait la relire en cet instant, il n’y trouverait que des motifs de sécurité. Mais, alors, les passages qui l’avaient le plus ému se présentaient à sa mémoire avec une netteté désespérante. Certaines situations auxquelles Nathalie avait fait une attention cruelle en les lui rappelant, certaines remarques sur l’espèce de surveillance jalouse exercée par Amédée sur sa jeune tante, lui brûlaient le cerveau comme si elles eussent été écrites avec du feu.

À cette dernière pensée surtout, Dutertre, épouvanté de lui-même, se demandait s’il devenait fou, ou si, depuis quatre ans, il était la dupe de la plus odieuse des trahisons, la trahison domestique. Il sentait sa tête éclater, et son cœur, rempli d’une ineffable tendresse pour ce fils adoptif dont il allait jusqu’à suivre les conseils et accepter