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— Je ne me serais jamais douté qu’elle fût faible devant l’insolence, se dit-il, et qu’elle pût courir de ces dangers que les êtres vraiment chastes ne connaissent seulement pas !

C’étaient ces images qui troublaient et torturaient Dutertre au point de l’empêcher de s’arrêter à l’histoire mystérieuse des fleurs. Aux premières lignes de ce récit, il avait souri de la fatuité de Flavien, tant il lui avait paru invraisemblable, impossible, que sa femme fût capable d’une pareille provocation. Quand sa pensée se fut douloureusement arrêtée sur les tableaux présentés par le narrateur avec un cachet de sincérité, de bonhomie et même de modestie évidentes, il trouva possible au moins l’envoi des dernières fleurs à Mont-Revêche. Olympe n’avait pas provoqué cette passion, mais elle en avait peut-être subi le magnétisme, et peut-être avait-elle fini par y répondre ; peut-être, en effet, Flavien avait-il été très-généreux envers elle en s’efforçant de douter encore, et en se hâtant de fuir. Voilà ce que se disait Dutertre. Nathalie suivait dans la glace toutes les surprises, toutes les hésitations, toutes les tortures de son père. Elle éprouvait un mélange de joie et de remords, de triomphe et de terreur.

Bientôt cependant Dutertre, qui avait fini de lire et qui revenait au commencement de la lettre pour en peser toutes les expressions, sentit une autre lumière se faire dans son esprit. Elle le bouleversa, et, ne se possédant plus, il se leva terrible devant Nathalie.

— Ma fille, dit-il en la foudroyant de son regard, ceci est une trame odieuse ! C’est vous qui, un certain jour, avez remarqué que ma femme avait une certaine fleur à sa ceinture. C’est vous qui vous êtes fait un jeu cruel d’en mettre de semblables sous la main de ce jeune homme