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petit événement domestique, je suis très-disposé à lui en épargner l’inquiétude et le souci.

— Je l’exigerais, mon père !

— Soit, puisque c’est mon désir également, et qu’elle ne pourrait y porter remède.

— Ainsi, vous vous engageriez à ne jamais révéler à personne, à personne au monde, l’existence de cette lettre ?

En parlant ainsi, Nathalie tirait à demi de sa poche l’envoi assez volumineux de Thierray.

— Doutez-vous donc de ma parole, ma fille ? dit Dutertre d’un ton sévère

— Non certes, si vous daignez me la donner formelle, précise, sacrée.

— Je croyais vous l’avoir donnée, je vous la donne encore, répondit Dutertre.

Nathalie tira de sa poche la lettre tout entière, la fit craquer dans ses doigts, parut hésiter ; puis, la retirant avec précipitation :

— Non ! non ! s’écria-t-elle, c’est impossible ! Cela vous ferait trop de mal.

Elle tremblait réellement devant l’action qu’elle allait commettre.

Dutertre, qui n’en connaissait pas la gravité, crut qu’elle se jouait de lui et qu’elle voulait troubler, sans motif et sans preuve, la sécurité de sa sœur.

— Prenez garde ! lui dit-il. Vous me feriez croire qu’il n’y a rien dans cette lettre qui vaille la peine que vous vous donnez pour l’incriminer.

— Si je ne vous la remets pas, mon père, dit Nathalie, vous croirez que je l’ai provoquée par mes avances, n’est-ce pas ?

— Peut-être ! répondit Dutertre à bout de calme et de patience.