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droit de m’outrager, en me disant que je fais bon marché de mon honneur ? Tenez, vous êtes un pédant, une imagination froide ; vous êtes triste, vous êtes vieux ! et vous allez me dire que je ne vous connais pas assez pour être si familière, si confiante avec vous ! Eh bien, tant pis pour vous, si vous ne pouvez vous faire jeune, innocent, fraternel et fou avec moi pendant une heure ou deux de tête-à-tête, dans des conditions exceptionnelles, à l’insu et, par conséquent, à l’abri du blâme des méchants et des sots !

Éveline débita tout ceci avec une grande volubilité, une grande coquetterie, une grande innocence, et avec un mélange de fierté, de franchise, de câlinerie, qui reprirent leur ascendant sur Thierray. Il est bien impossible à un jeune homme, dont le cœur est libre et la tête vive, de recevoir avec indifférence une preuve d’amour si naïvement déguisée en plaisanterie. Il eût été, en effet, trop froid et trop pédant de vouloir, par l’exigence d’un plus ample aveu, effrayer la pudeur et humilier la fierté d’Éveline. En la grondant même davantage, Thierray craignit d’être ridicule. En repoussant les conséquences du danger qu’elle bravait pour lui, il se sentait cruel envers lui-même autant qu’envers elle.

Il se trouva donc tout d’un coup disposé à une grande indulgence pour la faute dont il profitait. Mais, avec l’amour qui revenait, arriva la jalousie, et il fut tout à fait sombre et mordant en lui demandant l’explication des fleurs jetées dans le chapeau de Flavien. Éveline crut qu’il devenait fou, et demanda à son tour l’explication de cette demande avec une franchise évidente.

Thierray, ne voulant pas compromettre les autres femmes de Puy-Verdon, éluda la question en disant que la langue lui avait tourné, et que ce n’était pas du chapeau