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mon entreprise. Mais j’ai eu peur dans les corridors de votre manoir fantastique, aussitôt que je me suis trouvée seule dans l’obscurité, tâtonnant les murs et cherchant les portes. Je savais que vous étiez toujours dans ce talon jusqu’à deux ou trois heures du matin. Je m’en étais assurée en envoyant Forget regarder à travers les fentes de la jalousie. Mais, pendant cette exploration, l’idée m’est venue que, comme dans l’histoire de la Nonne sanglante, la véritable Hélyette allait m’apparaître et me montrer sa figure brûlée pour me punir d’avoir osé la contrefaire.

Là-dessus, Éveline se mit à rire avec autant de tranquillité que si elle eût été dans le salon de Puy-Verdon, sous l’œil de ses parents.

Thierray fut stupéfait de tant d’audace. Était-ce excès de candeur et d’ignorance, ou habitude de dévergondage ? Résolu de s’en assurer, bien qu’également résolu à ne pas en profiter, Thierray, la regardant fixement, lui demanda où était Crésus.

— Dans le bois le plus proche, avec mes chevaux, répondit-elle, et parfaitement caché dans le fourré.

— Et Forget ?

— Dans sa chambre ; je lui ai ordonné de se recoucher, et, quand je vais sortir, c’est vous qui, sans bruit, refermerez vos portes.

— Mais comment êtes-vous sortie de Puy-Verdon ?

— Oh ! cela, rien de plus facile. Dans une habitation si vaste, et où rien ne me résiste, il suffisait que Crésus fût averti, que les chevaux fussent prêts et conduits dehors à une certaine heure, que j’eusse certaines clefs, et que tout le monde fût endormi. Je suis partie à une heure du matin… et, tenez, il n’est pas deux heures : nous sommes venus vite, malgré les ténèbres.