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Olympe ! Cependant, il faut les séparer d’elle à tout prix, ne fût-ce que pour quelques mois pendant lesquels ma pauvre malade guérirait ! mon Dieu ! mon Dieu ! c’est donc un crime que j’ai commis, de me remarier dans toute la force, dans toute la sincérité de mon être et de ma vie ! Le ciel m’est témoin que je ne croyais enfreindre ni les lois divines et humaines, ni les convenances sacrées de la nature, ni les liens augustes de la famille, en donnant à mon cœur cette compagne sans égale, à mes enfants cette mère sans tache. J’aimais passionnément, je l’avoue, et pourquoi en rougirais-je ? Qu’y a-t-il de plus grand, de plus religieux qu’un amour sanctifié par le serment d’une éternelle fidélité ? Mais je jure, sur l’honneur de ma première femme, que, si je n’avais pas cru la remplacer dignement auprès de ses filles, en leur donnant Olympe pour seconde mère, j’eusse vaincu et terrassé ma passion. Pourquoi donc une sorte de malédiction s’est-elle attachée au bonheur le plus légitime et à l’action la plus loyale de ma vie ?

Amédée, enfoncé dans un fauteuil, et les yeux fixés à terre, écoutait Dutertre avec une pieuse tristesse ; celui-ci, debout contre la croisée entr’ouverte, levait vers les astres son noble regard voilé par les larmes.

— Tenez, mon oncle, dit Amédée après quelques instants de silence, cette solution de fait que vous cherchez, je crois que Nathalie l’a trouvée. Son désir est de vous suivre à Paris. Pourvu qu’elle voie le monde et qu’elle gouverne, je ne dis pas une maison, elle en est incapable, mais un salon, sa vanité sera satisfaite et son superbe ennui se dissipera. Si elle ne se marie pas dans le courant de l’année, elle reviendra ici aux vacances avec vous, et, qu’elle y soit bien ou mal pour ma tante, ma tante aura eu le temps de guérir.