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et mécontent ; quelle est la portée de semblables expressions dans votre bouche, et quand c’est à votre père qu’elles s’adressent ? Que savez-vous de ma vie dans le monde ? et qui vous a appris ce que peut être l’animal ridicule désigné par vous sous le titre d’homme à succès ?

— Mon Dieu ! papa, si vous vous fâchez pour un mot, il ne faut plus que je vous réponde. Voyons, c’est donc une impertinence que j’ai dans l’esprit, quand je me représente mon père tel qu’il est, c’est-à-dire un homme de quarante-deux ans, qui n’a pas un cheveu blanc, pas une ride au front, pas une dent de moins ; la santé, la force de la première jeunesse, une beauté idéale, une âme enthousiaste, des manières charmantes : enfin un type si parfait, si attrayant, qu’il fait tort à tous les adorateurs de ses filles ?

— Je crois, Dieu me pardonne, dit Dutertre avec un sourire triste, que tu es coquette, c’est-à-dire flagorneuse et moqueuse, même avec ton père !

— Allons, allons, papa, ne le prenez pas ainsi. Quand ma bonne Grondette parle de vous, elle dit que, lors de votre premier mariage, vous étiez le plus charmant, le plus aimable enfant qu’elle eût rencontré, et qu’à présent, vous êtes encore le plus beau et le plus brave homme qu’elle ait jamais connu : et Grondette a raison : notre jeune mère, la plus belle et la plus jolie femme de France peut-être, n’est-elle pas, d’ailleurs, là pour attester à tous les yeux que vous êtes plus capable d’inspirer l’amour que pas un des freluquets sur lesquels vous nous permettez de faire main basse ? Donc, je maintiens que vous êtes un homme à succès.

— Encore ? dit Dutertre haussant les épaules. Il se sentait presque offensé de ces adulations hypocrites, où