Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/158

Cette page n’a pas encore été corrigée

tit saisie de méfiance et d’humeur dès la première parole.

— Ce que me disait M. Thierray ? répondit-elle ; à quoi cela avait rapport ? Vraiment, je n’en sais plus rien déjà, cher père, et je ne conçois pas que cela vous occupe.

— Pardonne-moi, ma fille, reprit Dutertre, il est fort naturel que je m’occupe du soin de ta dignité, et il m’a semblé que M. Thierray n’en tenait pas assez de compte.

— C’est possible, père : ce bel esprit a trop d’esprit, et il en abuse. Mais je ne m’en inquiète guère, et je sais le remettre à sa place.

— Éveline, mon enfant, ces paroles que tu dis blessent un peu mon oreille.

— Ah ! fit Éveline avec une légère teinte d’impertinence et en commençant à détacher ses magnifiques cheveux blonds devant son miroir ; car, dans son dépit, elle n’oubliait pas qu’elle n’avait qu’une heure pour les recherches accoutumées de sa parure.

— Oui, ma fille, écoutez-moi, dit Dutertre un peu sévère ; relevez vos cheveux et asseyez-vous près de moi. C’est votre ami le plus sérieux, c’est votre père qui vous parle.

— Ah ! mon Dieu ! c’est un sermon ! dit Éveline avec une humeur marquée. Mon cher petit père va me gronder comme une morveuse ! Qu’ai-je donc fait pour changer ainsi son charmant caractère, et que se passe-t-il aujourd’hui entre nous ?

Et, passant de l’impatience à la câlinerie avec sa mobilité et sa souplesse accoutumées, Éveline embrassa et caressa son père, autant pour le désarmer que pour se débarrasser d’une explication embarrassante.

Dutertre accueillit ses chatteries avec sa bonté ordinaire, mais sans enjouement.

— Ma bonne Éveline, dit-il, je n’aime pas plus à faire