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tôt, le brave Dutertre, dont le naturel, à la fois sérieux et enjoué, avait beaucoup de rapport avec celui de Benjamine, eût pris un triple plaisir, un plaisir d’enfant, un plaisir d’amant et un plaisir de père, à cette petite fête. Mais son âme était brisée, et il faisait des efforts puissants pour cacher à sa femme et à ses filles l’inquiétude qui le rongeait. Il avait promis à son neveu qu’il ne paraîtrait pas s’apercevoir de l’état d’Olympe ; il avait vite compris qu’il l’aggraverait en lui ôtant la consolation qu’elle goûtait à le lui cacher. Il était résolu à la soigner à son insu, à feindre de découvrir peu à peu qu’elle était souffrante, et à ne jamais lui montrer qu’il s’en effrayait sérieusement. Mais il était pâle, et sa voix, toujours si pleine et si fraîche, était sensiblement altérée. Thierray s’en aperçut. Dutertre parla légèrement d’un rhume et d’une migraine. Il affectait un gaieté expansive ; mais ses yeux ne pouvaient se détacher d’Olympe, et, à chaque mouvement qu’elle faisait, il tressaillait malgré lui, comme s’il se fût attendu à la voir tomber morte dans tout l’éclat de sa beauté, dans tout le calme de sa force.

Le temps s’était élevé, et un rayon de soleil se montra enfin, comme pour récompenser Dutertre de ses efforts. On entendait bien la pioche et la bêche résonner sur la colline ; mais on y était habitué et on n’y faisait plus attention. Tout à coup Amédée, qui avait disparu et qui se tenait auprès des ouvriers, fit entendre le signal convenu : un coup de sifflet. Dutertre répondit par un signal semblable, qui signifiait que tout le monde était à son poste, et il permit que l’on se retournât, mais en prenant le bras de sa femme, qu’il pressa contre sa poitrine, prêt à la rassurer, si l’inattendu de la scène lui causait quelque légère angoisse de surprise ou d’inquiétude. On entendait