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ter les doses, et c’est la mort lente qu’elle fait passer ainsi dans ses veines, vous ne l’ignorez pas.

— Elle est donc perdue, mon Dieu ? s’écria Dutertre en se levant et en retombant comme foudroyé sur son siège.

— Non, mon cher oncle. Elle est jeune et forte ; elle a la volonté de vivre, car elle vous aime comme on aime Dieu. Elle ne mourra pas : Dieu ne le permettra pas !…

Et Amédée, à bout de ses propres forces, fondit en larmes à son tour.




XII


Thierray, après avoir bien rêvé à Éveline et à madame Hélyette, un peu à madame Dutertre et pas du tout à Nathalie ni à Caroline, s’éveilla assez tard dans la matinée. Gervais entra, alluma le feu que le temps pluvieux rendait agréable, sinon nécessaire, et remit en silence une lettre à Thierray. Elle était de Flavien de Saulges et ainsi conçue :

« Adieu, mon cher Thierray ; pardonne-moi de te quitter brusquement. Je reviendrai peut-être dans quelques jours. Je ne reviendrai peut-être pas du tout. Dispose du manoir de Mont-Revêche, où, Dieu merci, tu te plais, et où il m’est impossible de passer une nuit de plus. Suppose tout ce que tu voudras, que je suis fou, que je suis niais, que j’ai peur des revenants, que j’ai vu madame Hélyette. Quand je serai à Paris, quand j’aurai passé trois jours dans le monde de la réalité, les chimères qui m’assiègent seront dissipées, je n’en doute pas, et je t’écrirai, sans mauvaise honte, le secret de ma fuite. Je viens d’écrire à Puy-Verdon pour expliquer ce départ précipité :