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— Que ma tante n’avait aucune lésion organique ; qu’elle offrait l’apparence de la plus parfaite et de la plus saine, et même de la plus robuste constitution, mais qu’il existait chez elle une surexcitation nerveuse incompréhensible, et qu’il fallait y apporter promptement et fréquemment remède par l’emploi des calmants, des stupéfiants les plus énergiques.

— Quels sont donc ces symptômes nerveux ? Des cris ?

— Quelquefois un cri âpre et strident lui échappe au commencement de son sommeil. Ce cri, dont elle n’a pas conscience ou qu’elle ne veut pas avouer, m’a souvent fait tressaillir à l’heure où nous l’avons entendu ce soir. Et alors l’inquiétude me fait sortir de ce pavillon, qui est peut-être le seul endroit habité d’où on puisse l’entendre distinctement, et approcher de la tourelle. Toujours prêt à appeler, si quelque nouveau signe de souffrance me faisait craindre des accidents plus graves, je veille parfois des nuits entières, à portée de constater les progrès du mal dont seul j’ai arraché la confidence. Vous voyez, mon oncle, que ce n’est pas de la poésie que je fais au clair de la lune, mais une souffrance bien vive que j’éprouve et que je ne devais révéler qu’à vous.

— Pourquoi ce mystère, encore une fois ?

— Cela, je ne vous le dirai pas, mon oncle, répondit Amédée avec sa fermeté accoutumée. Il s’agit pour moi de vous faire connaître le mal et non d’en rechercher la cause. Je pourrais me tromper !

— Eh bien, ce mal ? dit Dutertre en proie à une vive anxiété.

— Il est quelquefois très-grave. Les cris échappés durant le sommeil ne sont qu’un résultat de la contrariété terrible que la malade s’impose durant le jour pour les retenir et cacher un indicible malaise, des tressaillements