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pas même caresser une pensée qui pourrait souiller la pureté de l’air qu’on y respire.

— Noble cœur ! dit Dutertre en l’embrassant : ah ! je le vois, je ne t’estime pas encore ce que tu vaux ! Pardonne-moi, enfant ! Mais alors, quand tu te promènes seul, la nuit… es-tu poëte, ou es-tu triste ?

— Peut-être suis-je l’un et l’autre, mais c’est sans le savoir, je vous jure, répondit Amédée avec un sourire mélancolique et candide.

En ce moment, un cri aigu et déchirant retentit dans la nuit sonore. Dutertre tressaillit, et son regard terrifié rencontra celui d’Amédée.

— Qu’est-ce donc ? dit-il. Ce cri est parti de mon appartement. C’est la voix de ma femme !

Et il s’élança vers la porte. Amédée le retint.

— Non, mon oncle, dit-il, n’y allez pas.

— Comment, n’y allez pas ? s’écria Dutertre.

— Ce n’est pas… non, ce n’est pas ce que vous croyez… Il n’y a rien là qui doive vous effrayer…

Amédée parlait dans une sorte d’égarement. Dutertre était trop effrayé pour y faire attention. Il se dégagea et courut vers l’aile du château dans laquelle on pénétrait, de ce côté de la pelouse, par le perron de la tourelle. Il traversa le boudoir qui occupait le rez-de-chaussée, monta l’escalier en spirale et entra dans son appartement. Tout était calme et silencieux. Olympe parut s’éveiller dès qu’il entra.

— Olympe, vous dormiez ? lui dit-il. Alors vous rêviez ? Vous avez crié. C’est vous, n’est-ce pas, qui avez crié ? Je ne prendrais pas une autre voix pour la vôtre !

— J’ai crié ? dit Olympe, qui parut faire un grand effort pour s’éveiller ou pour se souvenir. Je n’en sais vraiment