Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/125

Cette page n’a pas encore été corrigée

procédait lentement à son réveil quotidien en faisant le gros dos et en répétant les paroles uniques de son vocabulaire.

— Quoi ! cette affreuse bête est toujours ici ? dit Flavien. Vraiment, tout est lugubre dans ce sombre Morvan et dans cette maussade demeure de Mont-Revêche !

— Pour le coup, dit Thierray en s’approchant de Jacot le centenaire, et en le grattant avec une sorte de complaisance, c’est toi qui as des nerfs, ce soir, mon cher ami. De quoi te plains-tu ? Tu es dans un vieux château, petit, mais revêche au possible ; autour de toi, des terres que tu n’as pas l’ennui et la déception de faire valoir, puisqu’elles sont vendues, et, de toutes les manières d’exploiter la propriété territoriale en France, c’est la seule que je comprenne et que je voudrais mettre en usage si Dieu m’avait affligé d’un patrimoine. Tu as, du haut de ton domaine, une vue magnifique, pour peu que tu veuilles monter les cent dix-sept marches de ton beffroi. Tes bois n’ont plus d’épines pour toi depuis que tu t’y promènes en amateur ; mais ils ont toujours du gibier qu’on te prie en grâce de tuer pour sauver les sarrasins et les pommes de terre d’alentour. Enfin, tu as des revenants dans ton château, une légende terrible, un portrait mystérieux, des fourneaux d’alchimiste et une voix de sibylle qui a appris des paroles de mort, tout exprès pour réjouir tes oreilles romantiques dans les nuits d’automne. Que diable te faut-il de plus ? Si j’avais tout cela, moi, seulement pour un an, je me referais le cœur et l’imagination pour tout le reste de ma vie.

— Et qui t’empêche d’y rester, Thierray ? d’y rester un an, dix ans, toujours, si bon te semble ? Voyons, ne veux-tu pas accepter mon château de Mont-Revêche, à présent qu’il a été bien constaté qu’il n’avait aucune va-