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et assez persévérants pour imiter les hommes de loisir dans nos goûts, dans nos manières, dans nos habitudes ; mais, pour un œil exercé, nous ne sommes jamais qu’une contrefaçon du patriciat, et les femmes ne s’y trompent guère, non plus que nous-mêmes, quand nous nous examinons de bonne foi.

— C’est possible, répondit Flavien. Peut-être même, à vouloir vous transformer ainsi, perdez-vous ce qui vous fait, en bien des points, supérieurs à nous.

— Quels sont donc, selon toi, mon cher ami, ces points de supériorité ?

— Tu les as signalés toi-même. Vous avez des nerfs, ce qui vous rend beaucoup plus aptes à vous emparer de la vie de civilisation que la puissance qui réside dans nos muscles, et qui relègue notre rôle au temps de la chevalerie. Vous vivez par le cerveau, par la souplesse de l’idée, la faculté du labeur persévérant, l’adresse de la main, toutes choses qui font peut-être l’animal moins beau, mais qui font, à coup sûr, l’homme plus fort. Ne vous plaignez donc pas, hommes du tiers : vous n’êtes pas nés à cheval sur des chevaux, mais vous êtes nés à cheval sur le monde.

Il y avait loin, comme on voit, de cette conversation à celle de la chevauchée du bois de Boulogne, huit ou dix jours auparavant. Les rôles étaient intervertis entre ces deux jeunes gens. Chacun cédait l’avantage à l’autre, de bonne grâce. La jalousie était devenue épanchement ; la rivalité, concession. C’est que tous deux étaient amoureux, et que l’amour rend naïfs par moments, qu’il soit passion ou faiblesse, les cœurs les moins disposés à s’avouer vaincus.

Cependant, aucune confidence n’avait été échangée entre eux. Flavien mettait un soin extrême à ne jamais