Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/92

Cette page n’a pas encore été corrigée

elle-même m’a raconté son histoire, et, comme il n’y a aucun secret, je peux vous la dire. Ses parents étaient fort riches. À la suite de spéculations que je croirais volontiers véreuses, d’après ce qu’elle m’en a dit sans les comprendre, son père, ruiné, est mort de chagrin. Fille unique, elle a fait honneur à tout et s’est trouvée, à dix-huit ans, à la tête de douze cents francs de rente. C’est court pour une jeune personne habituée à l’opulence. Elle ne s’est pas découragée, et elle commençait à donner des leçons de musique à Paris, quand une petite bonne étrangère avec qui elle avait été élevée, et qui était comme elle sans famille et sans ressources, est tombée gravement malade. Savez-vous ce qu’a fait mademoiselle Vallier ? Elle a quitté ses leçons et elle a cherché un village où elle put faire respirer un bon air à sa compagne. Quelqu’un du pays avec qui le hasard l’avait mise en relations lui a vanté le climat doux et tiède de notre vallée. Tout le monde n’a pas le moyen d’aller à Nice ou à Cannes. Heureusement ; il y a partout des petits coins où l’on peut se passer du luxe des grands voyages. Mademoiselle Vallier a donc loué la petite maison que vous savez, comptant y passer quelques semaines ; mais la jeune malade était presque condamnée pour un anévrisme au cœur, et, quand la chose a été constatée, on a dit à mademoiselle Vallier que le seul moyen de prolonger la vie de la pauvre enfant était de la garder dans les conditions passables où elle se trouve, et de lui interdire toute espèce de fatigue et d’inquiétude. Dès lors, elles se sont fixées ici. La malade s’en va lentement. Sa maîtresse est devenue sa servante : c’est elle qui fait tout dans le petit ménage. Vous l’avez vue portant de l’eau : un autre jour, vous