Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/80

Cette page n’a pas encore été corrigée

au lacet les petits oiseaux. Il faut bien se nourrir ! Je n’aime pas la destruction, mais j’ai le défaut d’être un peu friand, mon chien aussi. J’ai là, dans un coin du rocher, un peu de bonne terre, un éboulement ; j’y cultive des légumes. L’été, je cueille des fraises dans le bois, elles sont excellentes. L’automne, j’y recueille des ceps et des oranges, — c’est exquis sur le gril avec un peu d’huile, — et mon jardinet me donnerait volontiers une pousse d’ail pour les accommoder ; mais je m’en abstiens, cela gâte l’haleine et détruit l’odorat par conséquent. L’homme ne doit pas se retirer les nobles jouissances, et respirer à toute heure le parfum des mousses ou des genêts vaut encore mieux que de satisfaire un instant la gourmandise. Par la même raison, je me prive de vin. Le vin nous ôte la délicatesse du palais et nous empêche d’apprécier les différentes saveurs des eaux de source. Je vous assure que dans mes courses, à la chasse et à la pêche, je me régale avec délices quand je rencontre un buisson chargé de belles mûres sauvages à côté d’une cressonnière. Je me dis alors que partout, dans la nature, la nappe est mise pour l’homme qui n’a pas laissé fausser ses instincts et dénaturer ses besoins. — Vous pensez bien, ajouta-t-il, que, quand j’ai fait ma provision de vivres pour un, deux ou trois jours, je rentre chez moi en bel appétit. Je dîne avec Farfadet. Je lui parle, il faut toujours parler aux chiens pour entretenir leur intelligence. Après ça, je lave et je range ma vaisselle. Les jours où je ne sors pas, je rapièce et je reprise. Je répare mon mobilier ou je l’astique. Je vais chercher dans les décombres de l’ancien couvent un carreau, s’il en manque un chez moi, un bout de ferraille pour réparer mes fermetures ; j’ai quelques outils, j’aime à