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prétendent aller à Dieu en maudissant la vie ! ils croient mériter la vie éternelle en niant la vie de l’humanité ! Ils arrachent leurs ailes pour mieux voler ! Ils damnent les autres et croient faire de Dieu leur complice !

Ô enfer, risible et monstrueux idéal des âges de barbarie, n’est-il pas temps que chacun de nous, idéaliste ou non, te jette la pelletée de terre qui doit murer ta porte infâme et ensevelir ta cité dolente dans l’oubli ? Jeunesse, jeunesse, viens vite, aide-nous ! Plutôt que de croire à la méchanceté de Dieu, nie son existence. Cela nous inquiète peu qu’on la nie, elle se manifestera toujours. Elle se manifestera en toi-même, que tu la sentes ou que tu ne la sentes pas. Ton audace et ton énergie la prouveront malgré toi. Si l’on en pouvait douter, c’est si tu doutais de toi, c’est si tu te lassais de protester, c’est si tu te faisais vieille avec les vieilles idées, morte avec les doctrines de mort.

Voilà ce que je crierais à notre ami Pierre, si je le voyais passer avec indifférence à travers les luttes du présent et céder au besoin de repos qui a brisé tant d’âmes au temps où nous vivons. Je lui dirais alors : « Redeviens incrédule plutôt que de te faire égoïste ; Dieu n’aime pas les enfants lâches. »

Palaiseau, 12 mai 1865.

FIN