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ser devant votre maison, je pouvais gémir, frapper même à votre porte. Vous dormiez profondément, ou vous n’étiez pas chez vous.

— Mais si l’on me demande ?…

— Vous mentirez. Aimez-vous mieux me compromettre ?

— Je mentirai.

— Que pensez-vous de moi ?

— Beaucoup de mal et beaucoup de bien.

— Vous ne m’épouseriez pour rien au monde, n’est-ce pas ?

— Pour rien au monde.

— Mais vous pouvez être mon ami ?

— Oui, si vous écoutez quelquefois un bon conseil.

— Nous verrons. Adieu !

Elle rassembla vivement les plis de son amazone, franchit lestement un petit fossé qui nous séparait de la prairie, coupa en droite ligne dans l’herbe humide, et se perdit dans la brume qui montait de la rivière. En regardant bien, je vis, au bout d’un quart d’heure, trois ombres sortir de derrière le saule, qui était à l’état d’ombre lui-même, et, pour n’être pas rencontré, si l’on venait du côté où j’étais, je rentrai chez moi sans m’écarter du couvert des grands cerisiers qui bordent mon chemin.

Ma lampe, que j’avais laissée dans un courant d’air en sortant à la hâte, était depuis longtemps éteinte. J’observai de ma fenêtre la marche des trois ombres encore visibles sur le fond clair des prés blanchis par la rosée du soir. Je distinguai sur la route de Vaubuisson quelque chose qui ressemblait à des chevaux, et le groupe s’éloigna dans la direction de la Tilleraie par le bas du vallon.