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que le vaudeville, j’en rirai, je te le promets, et il sera temps alors de me servir de mon latin, de mes mathématiques et de tout ce qui peut me faire devenir un professeur à deux ou trois mille francs d’appointements, maximum de ma cupidité.

Laisse-moi donc partir pour l’aventure littéraire, pour le beau pays de romancie, sans m’inquiéter du cheval qui m’y portera. Si mon positivisme est un dada trop rétif, nous passerons sans humeur et sans désespoir à un autre exercice.

Mais qui sait si je suis positif par nature ? Tu en doutes, toi ; tu crois que je le suis de parti pris. C’est possible, je tends les bras à cette vérité qui m’attire et qui me paraît être la lumière de mon siècle ; mais j’ai des instincts poétiques tout comme un autre, j’aime à rêver, et rien ne m’empêchera de peindre la lutte d’un esprit contemplatif contre les rigides théories qui le sollicitent et le fouettent. Ce que je sais, c’est que, dans cette solitude complète où me voici, dans cette maisonnette isolée, battue des vents de l’hiver, avec ce sentiment solennel de mon isolement social et de ma liberté rachetée, les idées se présentent à moi comme des figures sereines et souriantes. L’expression ne me tourmente pas, elle vient sans effort. Je ne sais quel ordre se fait dans mon cerveau ; une clarté douce m’environne. Rien ne m’inquiète, et la forme que prendra mon œuvre est le moindre de mes soucis. Voyons par exemple ! ce que je t’écris là, en ce moment, ne vaut-il pas la peine d’être dit ? Cela n’a d’intérêt que pour toi ; soit ! mais que ce soit le tâtonnement d’un esprit vraiment sérieux qui va prendre son essor et qui mesure l’espace, cela devient la base d’un ensemble d’idées allant à un but, et dès lors