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nier ; mais je pourrai bien lui dire que vous êtes fou.

— En quoi suis-je fou ?

— Que diable ! ce changement de face, cette affectation de froideur, et tout à coup ce roman de chevalerie, cette demande que vous me faites sérieusement de me sacrifier à vous ou d’entrer dans la lice avec vous comme un paladin, tout cela est d’un cerveau fêlé, mon cher ami, et je ne me gênerai pas pour en rire !

— Vous voulez me piquer, vous ne réussirez pas. Dites tout cela à mademoiselle Yallier. Si elle est romanesque, comme vous le lui avez quelquefois reproché devant moi, vous aurez servi mes intérêts.

— C’est pourtant vrai. Eh bien, je combattrai les tendances romanesques. Au lieu de parler respectueusement et généreusement de la pauvreté, je lui prouverai qu’elle est une preuve d’infériorité morale.

— Vous avez, je le vois, plus d’une théorie au service du moment ; mais je vous le pardonne, vous êtes jaloux, et vous ne savez pas bien ce que vous dites.

— C’est possible ; mais, si vous n’êtes pas jaloux aussi, c’est que vous n’aimez pas.

— J’ai été très-jaloux de vous. Je le suis depuis le jour où mademoiselle Vallier est entrée chez vous. Cela ne m’a pas rendu injuste, car, tout pauvre que j’étais, je lui ai toujours parlé de la richesse comme d’une puissance réelle bien placée entre vos mains, et je ne changerai pas de thème. Il y a quelques jours, vous ne vouliez pas être aimé pour votre richesse ; moi, je ne veux pas l’être pour ma pauvreté relative.

— Tout cela est superbe et sans réplique ; mais je déclare que vous êtes un faux ami, un égoïste et un ingrat !