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pied de la lettre, il est inutile qu’elle se prolonge. Je n’ai pas eu le temps de fixer mes idées, j’irai réfléchir ailleurs.

— Il vaudrait mieux vous presser un peu de lire en vous-même. Est-ce donc si difficile ?

— Est-ce de sa part que vous m’y engagez ?

— Non,… c’est de la mienne. Vous voyez qu’on parle de votre mariage : est-il bon de faire parler de soi ?

— Ah ! si Zoé était radicalement guérie !… J’ai fait bien des sacrifices à cette pauvre enfant. Le plus rigoureux est certes celui que je lui fais en ce moment ! Tenez, si je lui disais ce soir : « Faisons nos paquets et quittons cette belle maison ! » je ne répondrais pas d’une rechute pour demain matin, au lieu que, si je pouvais tarder encore quelques semaines, elle aurait tout à fait recouvré ses forces.

— Ainsi c’est pour Zoé, encore et toujours pour elle, que vous acceptez le malheur ? Hier, c’était la misère ; aujourd’hui, c’est l’obsession ; demain, peut-être, ce sera la calomnie !

— À coup sûr, ce n’est pas pour moi !

— Vous avez pour cette enfant une tendresse que j’admire. Pourtant ne craignez-vous pas qu’elle ne soit exagérée ?

— Je sais que le dévouement a certaines limites. On dit qu’une femme doit ne sacrifier sa réputation à personne. Eh bien, il y a des circonstances où à cela même il faut se résigner. Si vous aviez vécu ma vie, vous seriez aussi tendre et aussi faible que moi. J’ai eu, parmi beaucoup de chagrins profonds, la douleur de perdre mon frère, un enfant adorable de douceur et de sensibilité, le portrait vivant de ma pauvre