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bles placés sous la dépendance de quelques personnes habiles, disposant de toutes les forces sociales et parfaitement libres de s’en mal servir, ne présente pas un tableau bien rassurant. Moi, je comprends que l’on ait de l’inquiétude, et qu’une âme tendre et fière comme celle de notre ermite soit naturellement portée à prendre le parti de ces faibles et de ces inhabiles contre les gens heureux et superbes qui ont tout et qui peuvent tout.

— Alors, il faut ruiner les riches, les piller ou les pendre ? dit Gédéon avec un enjouement très-amer. Si votre ermite a raison, je ne vois pas d’autre conclusion raisonnable : la confiscation, l’exil ou la mort pour les capitalistes ; après quoi, les hommes vivront en frères et sauront tous le moyen de créer la richesse.

L’éclat de rire de mademoiselle Vallier fit rentrer Gédéon en lui-même.

— Je sais bien, dit-il, que vous avez horreur de ces choses-là ; mais enfin où veut-il en venir, votre ermite ?

— Oh ! je ne sais pas, répondit-elle ; il ne me l’a pas dit ; c’eût été peine perdue. S’il a un système, je ne le comprendrais pas ; mais je sais bien qu’il ne veut tuer ni voler personne, et qu’il ne fait pas de prédications incendiaires, car il ne dit sa pensée qu’à ses amis intimes.

— C’est-à-dire à vous et à Pierre ?

— Pourquoi vous en tourmentez-vous, si vous la jugez insensée ?

— Je ne dis pas cela ; je voudrais le mieux connaître et savoir si votre ami est un rêveur, un enragé ou un apôtre.