Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/252

Cette page n’a pas encore été corrigée

À côté de cette défaillance intérieure que je constate et jugule, comme tu dis à propos de l’invasion de certains maux physiques, j’éprouve une surexcitation très-naturelle en songeant que Jeanne, soit par dépit, soit par goût momentané, soit par caprice nerveux, désire être à moi. Que veux-tu ! l’épreuve est rude pour un homme de vingt-quatre ans qui n’a pas abusé de la vie, et, si ma raison juge froidement cette situation, mes sens ne la supportent pas sans révolte. Mon sommeil et mon travail en sont un peu troublés, et je reconnais que, si je dois affronter l’intimité de mademoiselle Vallier, je dois fuir celle de Jeanne. Je ne peux pas me faire un grand crime de cette émotion involontaire : mais je me mépriserais beaucoup, si, pour me donner le droit d’y céder, je me nourrissais l’esprit de sophismes ; non, il n’y aura pas de cela ! Je ne me persuaderai pas que mon imagination peut parler à la place de ma conscience, qu’il m’est permis de donner le change à mon cœur quand je sens qu’il n’est pas en jeu. Non, je ne me laisserai pas entraîner à un mariage qui me répugne, par la raison que je ne ferai pas la cour à mademoiselle Jeanne… Et, si j’avais le malheur de lui dire un mot d’amour, ce serait un mot brutal qui la dégoûterait de moi : ce ne serait pas une phrase de convention, c’est-à-dire un mensonge et un piège. J’aimerais mieux être grossier que lâche ; mais ne crains pas que cela m’arrive. J’éviterai si bien l’occasion, qu’elle ne reviendra pas.

Et puis je pensais à l’autre ! Comme je te le disais, quand son image se présente à moi, celle de Jeanne disparaît. Et pourtant Jeanne est admirablement belle, Aldine ne l’est pas : mais sa grâce parle à l’esprit et son sourire va droit au cœur. On sent que, si elle ai-