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jusqu’à maudire les femmes honnêtes, vieille habitude de son métier, tantôt jouant la Madeleine aux pieds du Christ, autre rengaine du diable fait ermite, si bien que la petite, qui voyait trouble probablement dans tout cela, est arrivée à voir assez clair pour vouloir retourner au couvent.

— C’est ce qu’elle aurait dû faire sans rien dire, et, puisqu’elle est dévote, il fallait se faire religieuse et donner sa dot à la communauté. L’Église n’est pas fière, elle ne demande jamais d’où vient l’argent qu’on lui apporte.

— L’Église a raison, mon cher. L’argent est innocent et bon comme tout ce dont l’homme abuse. Est-ce que vous avez les idées du moyen âge, par hasard ? Dans ce temps-là, quand un homme avait fait pacte avec le diable, on rasait sa maison et on stérilisait son champ en y semant du sel. Était-ce assez bête de détruire une habitation qui n’en pouvait mais, et qui eût servi de refuge à quelque pauvre famille ! Quant à la terre, à supposer qu’on l’eût stérilisée avec le sel, l’idée de frapper de mort l’instrument du travail de l’homme, la propriété inaliénable des générations, le don de Dieu enfin, c’est tout bonnement un crime, et je ne comprends pas qu’un garçon d’esprit comme vous, un esprit éminemment social et pratique, en soit encore à croire qu’il y ait de la terre maudite et de l’argent souillé.

— Ainsi vous épouseriez mademoiselle Jeanne avec la fortune de sa mère ?

— Avec ou sans cela, parfaitement, si je l’aimais.

— Vous le pourriez en tout cas, vous qui êtes dix fois plus riche qu’elle ; mais si vous étiez pauvre ?…

— Dans ce cas-là, je ferais un établissement de