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Je ne sais si M. Sylvestre a voulu me railler ou me punir. Je ne lui ai pas donné la satisfaction de me taquiner. Je lui ai promis de faire la commission, en ajoutant :

— Faudra-t-il que je plaide aussi la cause de mon ami Gédéon ?

— Pourquoi non, s’il est vraiment votre ami et s’il mérite de l’être ?

— Il ne m’a pas chargé de ses affaires, il ne m’a rien confié.

— Alors, ne vous en mêlez pas.

Je lui ai fait part de la résolution que mademoiselle Vallier a prise de parler à madame Irène, et du rendez-vous qu’elle doit lui avoir donné de sa part à l’ermitage. Il a été fort attendri de ce dévouement, et, me prenant la main, il m’a dit en me quittant :

— Mon ami Pierre, mademoiselle Vallier est une généreuse et intrépide nature ! Je sais ce qu’une telle démarche doit lui coûter. Ah ! je regrette que vous n’ayez pas l’indépendance de position de votre ami Nuñez ! Peut-être alors comprendriez-vous qu’on peut faire de l’amour l’affaire la plus sage de sa vie.

— Vous parlez ainsi, vous qui avez été si malheureux dans le mariage !

— C’est ma faute, il eût fallu mieux choisir. C’est nous qui avons tort de nous tromper ; Dieu, qui a fait l’amour, ne nous a pas interdit le discernement. Allez, allez, l’homme n’a jamais raison de se plaindre, et ce qu’il peut faire de mieux quand il porte la peine de ses aveuglements, c’est de la porter sans honte et sans faiblesse. C’est la seule manière de les expier.

Je suis revenu à la Tilleraie par le plateau. De là, je plongeais d’un coté sur toute la vallée de Vaubuisson,