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fort l’effet de cette apparition sur la romanesque Jeanne lorsqu’elle la verra cherchant des grenouilles dans les fossés ou ramassant des colimaçons dans la campagne pour alimenter le sybaritisme de l’ermitage.

Je crus devoir demander devant elle à mademoiselle Vallier si elle ne pensait pas qu’il y avait plus d’imagination excitée que de véritable attachement dans l’attrait que Jeanne éprouvait pour son grand-père. Jeanne allait répondre elle-même quand elle crut s’entendre appeler par madame Duport. Elle nous quitta vivement en disant à mademoiselle Vallier :

— Restez ici, je vais me montrer et je reviens. Oh ! soyez tranquille, je saurai dépister la curieuse Rébecca. Le concert ne commencera pas avant dix heures, et j’ai encore bien des choses à dire à M. Pierre.

Elle glissa comme un rayon dans l’ombre, et je restai seul avec mademoiselle Vallier.

Je tenais beaucoup, vis-à-vis de celle-ci, à ne pas sembler troublé par le tête-à-tête imprévu, et, continuant la conversation comme si de rien n’était, je lui demandai pourquoi mademoiselle Jeanne, qui savait bien mon nom de famille, m’appelait familièrement M. Pierre tout court, comme si j’étais son ami d’enfance ou son petit cousin.

— C’est probablement ma faute, répondit mademoiselle Vallier. Il y a trois mois que je vous connais sous le nom de M. Pierre, puisque vous n’en portiez pas d’autre dans le pays, et, en parlant de vous avec Jeanne, j’ai toujours dit M. Pierre par habitude. Elle se sera habituée aussi à dire comme moi. Elle manque d’usage d’ailleurs ; mais c’est chez elle un mérite, et…