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misère qu’il lui serait, à ce qu’on dit avec raison, si facile de changer contre toutes les aises de la vie, il la chérit comme la sauvegarde de son honneur. Ah ! le pauvre digne homme ! Je comprends le déchirement de sa vie et les paroles qu’il croyait dire à son lit de mort !

Je n’ai pas osé rentrer chez lui tout de suite ; j’ai erré encore autour de sa demeure pour lui donner le temps de se remettre, et je l’ai trouvé fort abattu. Nous ne nous sommes rien dit de l’incident : il est hors de doute qu’il serait humilié et blessé si je lui apprenais que son secret n’en est plus un pour moi ; mais je me suis demandé pourquoi on le tourmente ainsi. Est-ce pour qu’il accepte un sort meilleur, ou tout simplement pour qu’il se confesse avant de mourir ? C’est peut-être l’un et l’autre. Que sa fille ait l’impudence de lui offrir des secours religieux ou matériels, elle n’en choisit pas moins l’innocente Jeanne pour porter ses offres au vieillard, et le rôle de Jeanne est déplorable. Il m’est venu une terrible envie de saisir la première occasion de lui parler sévèrement pour l’empêcher de recommencer. Je vois le mal qu’on fait à mon fils, et c’est peut-être à moi de le préserver, puisqu’en cas de maladie nouvelle il me l’a fait promettre. Il se porte bien, il est vrai ; mais n’a-t-il pas droit au repos de ses dernières années ?

Seulement, je n’ai pas revu mademoiselle Jeanne à la Tilleraie, et je ne sais pas du tout quels motifs lui donner pour la convaincre. Mademoiselle Vallier est initiée au secret de l’ermite, mais il m’est difficile d’échanger quelques mots avec elle. Gédéon parait jaloux de la réputation de la gouvernante de ses enfants à un point de vue que je ne veux pas trop approfondir.