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était un compliment. Elle se mit à rire en baissant les yeux. Elle est réellement touchante de grâce et de simplicité.

À dîner, soit par hasard, soit par suite d’une manœuvre de madame Duport, je me trouvai assis auprès de Jeanne. Je n’avais qu’un prétexte à conversation, qui était de renouveler ma plaisanterie. Elle la prit fort bien, et je dois dire qu’elle y répondit avec un mélange de finesse et de confiance, sans la moindre coquetterie. Je la crois une très-bonne fille. Je la voudrais pourtant plus humble et plus inquiète, telle que j’avais cru la voir et la deviner. Elle est vraiment trop ignorante on trop abusée. Elle semble toute prête à dire à un honnête homme qui lui ferait la cour : « C’est tout simple que vous m’aimiez ; je le mérite à tous égards : comptons ! où sont les vertus et les qualités qui vous rendent digne de moi ? »

Elle serait dans son droit après tout, si elle est aussi pure et aussi sincère qu’elle le paraît. Je voulais m’en aller de bonne heure, Gédéon me retint. On attendait quelques personnes encore, on allait faire de la musique.

Mademoiselle Jeanne chanta un duo avec Rébecca, qui a une belle voix. Mademoiselle Vallier les accompagnait. La voix de Jeanne est frêle, mais sympathique, et mademoiselle Vallier accompagne à livre ouvert avec une rare intelligence. Ces trois femmes au piano étaient bien éclairées et très-belles : Rébecca avec sa robe bariolée et sa sombre tête de Judith, Jeanne avec sa parure d’un bleu verdâtre et sa chevelure d’un blond véronèse ; mademoiselle Vallier, tout en blanc, formait par le ton plus fin de sa peau et de ses cheveux, le trait d’union entre les deux types. En musique