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ment de rencontrer Gédéon rôdant de son côté, que je n’accompagnai pas l’ermite. Ou je me serais montré indigné des tentatives auxquelles M. Nuñez voulait m’associer, et il m’eût cru jaloux, ou j’aurais laissé voir à mademoiselle Vallier des craintes que je n’ai pas le droit de lui exprimer. Le temps m’a paru long ; j’ai monté et descendu dix fois le versant à mi-côte duquel, dans une coupure bien ombragée, l’ermitage se cache comme un nid de troglodyte dans les rochers et les bruyères. L’endroit est triste, sans horizon. — une seule petite échappée vers le village et la vallée, — et pourtant il a une saveur de mystère et d’abandon qui peut charmer à la longue un rêveur humble et doux comme M. Sylvestre. Rien de bien austère ni de franchement pittoresque dans les mouvements tantôt brusques, tantôt paresseux, de ces terrains légers qui s’échappent des masses de grès et se laissent couler sous l’effet des pluies, en longues zones jaunâtres, là où la végétation a refusé de les assujettir. Sur les pentes où le taillis s’est bien installé, les plantes sauvages sont belles, vigoureuses, et certaines espèces atteignent des proportions inusitées. Les sentiers du bois sont bien ménagés, faciles même dans les éboulements ; les ronces ne s’en sont pas emparées, les genêts et les fougères n’occupent pas non plus de trop grands espaces dans les clairières, et les nombreux ressauts du coteau ne permettent pas la monotonie. Tout cela est charmant pour ceux qui aiment le moindre détail de la campagne, qui se plaisent à découvrir les tapis de muguets et de jacinthes sous la feuillée, et qui, comme moi, regardent volontiers pendant une heure la toilette d’une oiseau dans le sable ; mais, comme le pays n’est pas remarquablement beau, il