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sonne, entendez-vous ! n’approchera de moi. Jurez-moi que vous me ferez mourir en paix ! Et, au bout d’un instant, il ajouta :

— J’ai peut-être tort. L’enfant m’aime ! et elle est bonne ! Mais non ! il ne faut pas accepter ce qui est mal ! Il faut protester jusqu’à la dernière heure !… Ah ! mon ami, il est bien cruel de ne pouvoir pardonner !

Et il fondit en larmes.

Il me sembla qu’il avait besoin de s’épancher, et je lui dis que, si ses peines pouvaient être adoucies par mon affection, j’étais à lui corps et âme.

— Je le sais, dit-il en me prenant la main ; vous êtes de ces athées comme j’en connais quelques-uns, dont l’âme a la religion de l’humanité d’autant plus fervente qu’elle n’en admet pas d’autre. Je vous ai jugé dès le premier jour, et bien jugé, car je ne me trompe plus ; à force de vivre de déceptions, je suis devenu clairvoyant malgré ma bienveillance excessive. Vous m’aimez aussi, car vous avez trouvé en moi la sincérité. Eh bien, sachez que votre ami a été bien malheureux, que son cœur a été mille fois brisé et qu’il y reste des plaies incurables. C’est pourquoi je ne veux pas croire à la colère de Dieu contre les fous et les pervers. Dieu ne doit pas souffrir ce que je souffre. Il pardonne tout, lui qui peut tout renouveler ! Mais nous, pauvres justiciers d’un jour, il faut bien que nous disions à ceux qui nous assassinent : « Soyez punis en cette vie par le mépris, puisque vous ne l’êtes pas par le remords ! »

Puis il parla par phrases entrecoupées :

— J’ai eu des enfants, une fille… Mais à quoi bon y songer ? elle mourra, et peut-être au seuil de l’autre