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pour ceux qui en acceptent les lois et les conséquences. Donc, l’amant de la liberté s’y plonge, et s’en relève avec le sentiment de la liberté. Voilà pourquoi ce que j’en ai aperçu, quand je me suis trouvé à la limite, était fort de mon goût. C’était, comme je vous l’ai dit sans métaphore, le revers de la colline. Seulement, il avait un aspect nouveau. Le ravin était plus profond, les rochers plus imposants, les bois d’une altitude plus majestueuse, j’aime le grand ; mais il n’y avait rien d’extraordinaire, rien de fantastique dans mon Éden. C’était bien la nature telle que je la connaissais, et la nature de nos climats telle que je la préfère. C’était simple, c’était bon et vrai. Il y avait aussi de menus détails, car le grand n’est majestueux qu’à la condition d’avoir à ses côtés le délicat et le gracieux. Quelles belles fleurs il y avait là, sur les pentes sableuses ! des digitales, des orchidées, des parisettes, des jacobées… et des graminées !… mon Dieu, tout ce que nous connaissons, car je n’ai jamais demandé plus et mieux que ce que j’aime et apprécie en ce monde. C’était peut-être le même monde, qui sait ? Je ne demande pas à le quitter, moi ! Il est aussi habitable, aussi riche et aussi perfectible que les autres. Seulement, j’avoue que je le voyais déjà en grande voie de perfectionnement. Les arbres n’étaient pas mutilés, les fleurs n’étaient pas foulées aux pieds. Il y avait un torrent étroit, cristallin, tour à tour impétueux et caressant, bondissant en cascatelles, ou endormi parmi les herbes, ou babillant sur les cailloux, — et il n’était pas emprisonné par des écluses, ni souillé par les détritus des usines. À vrai dire, il n’y avait pas d’usines, et je n’ai pas aperçu d’habitations. Sans doute elles étaient cachées pour ne pas gâter l’agreste physiono-