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mant et ne pas le quitter d’une minute. Mademoiselle Vallier reste avec l’autre femme. Je t’écris de la cuisine, et je remonte pour les relayer. Je suis content, je ne suis plus fatigué. Je ne m’endormirai plus. Farfadet a compris notre joie, et, après avoir sollicité et obtenu un regard de son maître, il a consenti à manger. Ah ! le chien du pauvre ! celui-là aussi a des affections et des dévouements qu’on ignore !

28. — Un accès de fièvre à quatre heures du matin. Le malade s’est assis sur son lit et nous a dit d’étranges choses.

— Toi (il s’adressait à moi), tu es le représentant des fourmis, et tu me pries de te recommander au grand Être ; mais ta demande n’est pas raisonnable. Tu veux que la fourmi ait la notion de ses rapports avec le reste de l’univers : à quoi bon ? N’a-t-elle pas la notion admirable de tout ce qui convient à son espèce ? N’a-t-elle pas la prévoyance, la patience, la mémoire, l’activité, l’industrie, la science des faits, l’économie, l’ordre, le courage ? Va, la fourmi est un grand peuple, et, si les hommes s’imaginent qu’elle n’a pas la notion du moi et du non-moi, laisse-les dire. Ils sont loin d’avoir des notions complètes sur leurs rapports avec ce qui les entoure, et tu ne dois pas les envier. Ils se vantent de lire dans les étoiles, ils sont incapables de lire dans le merveilleux intellect d’une fourmi. Ce serait plus intéressant que de savoir la métallurgie de Sirius ! Mais ils ne peuvent pas !…

Il s’est ensuite adressé à son chien, qu’il prenait pour un homme malade.

— Tu as peur de mourir ? lui disait-il ; tu crois que ton âme sera punie des erreurs de ton intelligence ? C’est possible ; mais tu n’en sauras rien, et tu revivras