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et constater les pas qu’elle fait en avant ou en arrière. Dans l’intervalle, nous savons en gros les événements principaux, lui par les nouvellistes du cabaret de madame Laroze, moi par les communications bénévoles de l’instituteur primaire de Vaubuisson, avec qui je m’arrête quelquefois à causer pendant quelques instants.

Comme nous ne voulons pas coucher à Paris, M. Sylvestre et moi, nous n’avons pas trop de notre après-midi pour notre séance au cabinet de lecture. Nous sommes convenus de nous partager la besogne, et que l’un ferait à l’autre, après coup, le résumé verbal de son exploration littéraire ou scientifique ; car M. Sylvestre, sans être savant, est assez au niveau du mouvement des sciences et des connaissances pour en extraire toujours la tendance philosophique d’une façon très-ingénieuse. C’est véritablement un homme de grande valeur ou de grand prestige, et, s’il y a dans son genre de vie quelque chose de fou, il est impossible de ne pas trouver des lueurs de sagesse dans toutes ses paroles,

J’étais curieux de voir si mon ermite avait des affaires, des amis, des relations à Paris. Je n’ai pas saisi la moindre trace de tout cela. Il passe inconnu, inaperçu à travers la grande ville. Il n’y fait visite à personne, il n’y mange nulle part. Il achète un petit pain en passant devant le premier boulanger venu et le grignote en marchant. Il n’a jamais soif. Il fait à pied des courses fabuleuses, et je crois qu’il va plus vite que les omnibus. Il ne regarde jamais ni à droite ni à gauche. Je ne l’ai vu adresser la parole qu’à un vieux bouquiniste qui m’a paru connaître sa figure, mais nullement son nom.