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qu’il ait voulu m’assassiner. Et pour quelle raison, grand Dieu !

Le président se servit alors, pour embarrasser Edmée, de tous les arguments que pouvaient lui fournir les dépositions de Mlle Leblanc. Il y avait de quoi la troubler en effet. Edmée, surprise de voir la justice en possession de tant de chose qu’elle croyait secrètes, reprit cependant courage et fierté lorsqu’on lui fit entendre, dans les termes brutalement chastes qu’on emploie devant les tribunaux en pareil cas, qu’elle avait été victime de ma grossièreté à la Roche-Mauprat. C’est alors que, prenant avec feu la défense de mon caractère et celle de son honneur, elle affirma que je m’étais conduit avec une loyauté bien supérieure à celle qu’on pouvait attendre encore de mon éducation. Mais il restait à expliquer toute la vie d’Edmée à partir de cette époque, la rupture de son mariage avec M. de La Marche, ses querelles fréquentes avec moi, mon brusque départ pour l’Amérique, le refus qu’elle avait fait de se marier.

— Cet interrogatoire est une chose odieuse, dit-elle en se levant tout à coup et en retrouvant ses forces physiques avec l’exercice de sa force morale. On me demande compte de mes plus intimes sentiments, on descend dans les mystères de mon âme, on tourmente ma pudeur, on s’arroge des droits qui n’appartiennent qu’à Dieu. Je vous déclare que, s’il s’agissait ici de ma vie et non de celle d’autrui, vous ne m’arracheriez pas un mot de plus. Mais, pour sauver la vie du dernier des hommes, je sacrifierais mes répugnances ; à plus forte raison le ferai-je pour celui qui est devant vos yeux. Apprenez-le donc, puisque vous me contraignez à faire un aveu contraire à la réserve et à la fierté de mon sexe : tout ce qui vous semble inexplicable dans ma conduite, tout ce que vous attribuez aux torts de