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malgré la quantité innombrable de questions qui me furent adressées sur toute ma vie. Mes réponses déjouèrent singulièrement les espérances de la curiosité publique et abrégèrent de beaucoup la séance. Je me renfermai dans trois réponses principales et dont le fond était invariable : 1o à toutes celles qui concernaient mon enfance et mon éducation, je répondis que je n’étais point sur le banc des accusés pour faire le métier d’accusateur ; 2o à celles qui portèrent sur Edmée et sur la nature de mes sentiments et de mes relations avec elle, je répondis que le mérite et la réputation de Mlle  de Mauprat ne permettaient pas même la plus simple question sur la nature de ses relations avec un homme quelconque ; que, quant à mes sentiments, je n’en devais compte à personne ; 3o à celles qui eurent pour but de me faire avouer mon prétendu crime, je répondis que je n’étais pas même l’auteur involontaire de l’accident. J’entrai par réponses monosyllabiques dans le détail des circonstances qui avaient précédé immédiatement l’événement ; mais, sentant que je devais à Edmée autant qu’à moi-même de taire les mouvements tumultueux qui m’avaient agité, j’expliquai la scène à la suite de laquelle je l’avais quittée, par une chute de cheval, et l’éloignement où l’on m’avait trouvé de son corps gisant, par la nécessité où je m’étais cru de courir après mon cheval pour l’escorter de nouveau. Malheureusement tout cela n’était pas clair et ne pouvait pas l’être. Mon cheval avait couru dans le sens contraire à celui que je disais, et le désordre où l’on m’avait vu avant que j’eusse connaissance de l’accident n’était pas suffisamment expliqué par une chute de cheval. On m’interrogeait surtout sur cette pointe que j’avais faite dans le bois avec ma cousine, au lieu de suivre la chasse comme nous l’avions annoncé ; on ne voulait pas croire que nous nous fussions égarés, précisément guidés par la