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mier évanouissement, étant sans fièvre et raisonnant fort bien, lui avait confié, en lui recommandant le secret, qu’elle avait été insultée, menacée, jetée à bas de son cheval, et enfin assassinée par moi. Cette méchante fille, s’emparant des révélations qu’Edmée avait faites dans la fièvre, composa assez habilement un récit complet, et l’embellit de toutes les richesses de sa haine. Dénaturant les paroles vagues et les impressions délirantes de sa maîtresse, elle affirma par serment qu’Edmée m’avait vu diriger le canon de ma carabine sur elle en disant : « Je te l’ai promis, tu ne mourras que de ma main. »

Saint-Jean, interrogé le même jour, déclara ne rien savoir que ce que Mlle  Leblanc lui avait raconté dans la soirée, et son récit fut exactement conforme à la déposition précédente. Saint-Jean était un honnête homme, mais froid et borné. Par amour de la ponctualité, il n’omit aucun des renseignements oiseux qui pouvaient être mal interprétés contre moi. Il assura que j’avais toujours été bizarre, brouillon, fantasque ; que j’étais sujet à des maux de tête durant lesquels je ne me connaissais plus ; qu’en proie plusieurs fois déjà à des crises nerveuses, j’avais parlé de sang et de meurtre à une personne que je croyais toujours voir ; enfin que j’étais d’un caractère tellement emporté que j’étais capable de jeter n’importe quoi à la tête d’une personne, quoique pourtant je ne me fusse jamais porté, à sa connaissance, à aucun excès de ce genre. Telles sont souvent les dépositions qui décident de la vie et de la mort en matière criminelle.

Patience fut introuvable le jour de cette enquête. L’abbé déclara qu’il avait des idées si incertaines sur l’événement qu’il subirait toutes les peines infligées aux témoins récalcitrants plutôt que de s’expliquer avant un plus ample in-