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Le mien s’emporta et disparut. Tout cela fut l’affaire d’un instant.

J’avais reçu Edmée dans mes bras ; elle se dégagea et me dit avec sécheresse :

— Vous êtes fort brutal, Bernard, et je déteste vos manières. À qui en avez-vous ?

Troublé, confus, je lui dis que je croyais que sa jument prenait le mors aux dents, et que je craignais qu’il ne lui arrivât malheur en s’abandonnant de la sorte à l’ardeur de la course.

— Et, pour me sauver, vous me faites tomber au risque de me tuer, répondit-elle. Cela est fort obligeant, en vérité.

— Laissez-moi vous remettre sur votre cheval, lui dis-je.

Et, sans attendre sa permission, je la pris dans mes bras et je l’enlevai de terre.

— Vous savez fort bien que je ne monte pas à cheval ainsi, s’écria-t-elle tout à fait irritée. Laissez-moi, je n’ai pas besoin de vos services.

Mais il ne m’était plus permis d’obéir. Ma tête se perdait, mes bras se crispaient autour de la taille d’Edmée, et c’était en vain que j’essayais de les en détacher ; mes lèvres effleurèrent son sein malgré moi ; elle pâlit de colère.

— Que je suis malheureux, disais-je avec des yeux pleins de larmes, que je suis malheureux de t’offenser toujours et d’être haï de plus en plus à mesure que je t’aime davantage !

Edmée était de nature impérieuse et violente. Son caractère, habitué à la lutte, avait pris avec les années une énergie inflexible. Ce n’était plus la jeune fille tremblante, fortement inspirée, mais plus ingénieuse que téméraire à