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mon esprit, il réussit à prouver à mes oreilles que je lui devais de la reconnaissance pour le soin qu’il prenait de l’honneur de mon nom. Il fallait bien voir où il voulait en venir, et ce que j’avais prévu arriva. Mon oncle Jean réclamait de moi la part qui lui revenait du fief de la Roche-Mauprat, et le prieur était chargé de me faire entendre que j’avais à opter entre une somme assez considérable à débourser (car on parlait du revenu arriéré de mes sept années de jouissance, outre le fonds d’un septième de propriété) et l’action insensée qu’il prétendait faire, et dont l’éclat ne manquerait pas de hâter les jours du vieux chevalier et de me créer peut-être d’étranges embarras personnels. Tout cela me fut insinué merveilleusement sous les dehors de la plus chrétienne sollicitude pour moi, de la plus fervente admiration pour le zèle du trappiste, et de la plus sincère inquiétude pour les effets de cette ferme résolution. Enfin, il me fut démontré clairement que Jean Mauprat ne venait pas me demander des moyens d’existence, mais qu’il me fallait le supplier humblement d’accepter la moitié de mon bien pour l’empêcher de traîner mon nom et peut-être ma personne sur le banc des criminels.

J’essayai une dernière objection.

— Si la résolution du frère Népomucène, comme vous l’appelez, monsieur le prieur, est aussi bien arrêtée que vous le dites ; si le soin de son salut est le seul qu’il ait en ce monde, expliquez-moi comment la séduction des biens temporels pourra l’en détourner ? Il y a là une inconséquence que je ne comprends guère.

Le prieur fut un peu embarrassé du regard perçant que j’attachais sur lui ; mais, se jetant au même instant dans une de ces parades de naïveté qui sont la haute ressource des fourbes :