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turbable. Arthur, reprenant tout à coup son sérieux, se leva et lui rendit son salut jusqu’à terre avec une dignité comique.

Nous retournâmes ensemble au camp. Chemin faisant, Marcasse me raconta son histoire dans ce style bref, qui forçant l’auditeur à mille questions fatigantes, loin de simplifier le discours, le compliquait extraordinairement. Ce fut un grand divertissement pour Arthur ; mais, comme vous ne trouveriez pas le même plaisir à entendre une relation exacte de cet interminable dialogue, je me bornerai à vous dire comment Marcasse s’était décidé à quitter sa patrie et ses amis pour apporter à la cause américaine le secours de sa longue épée.

M. de La Marche partait pour l’Amérique à l’époque où Marcasse, installé à son château du Berry pour huit jours, faisait sa ronde annuelle sur les poutres et solives des greniers. La maison du comte, bouleversée de ce départ, se livrait à de merveilleux commentaires sur ce pays lointain plein de dangers, de prodiges, d’où l’on ne revenait jamais, suivant les beaux esprits du village, qu’avec une fortune si considérable et tant de lingots d’or et d’argent, qu’il fallait dix vaisseaux pour les rapporter. Sous son extérieur glacé, don Marcasse, semblable aux volcans hyperboréens, cachait une imagination brûlante, un amour passionné pour l’extraordinaire. Habitué à vivre en équilibre sur les ais des charpentes, dans une région évidemment plus élevée que les autres hommes, et n’étant pas insensible à la gloire d’étonner chaque jour les assistants par la hardiesse et la tranquillité de ses manœuvres acrobatiques, il se laissa enflammer par la peinture de l’Eldorado ; et cette fantaisie fut d’autant plus vive que, selon son habitude, il ne s’en ouvrit à personne. M. de La Marche fût donc fort surpris lorsque, la veille de son départ, Marcasse se présenta